DISCOURS SOLENNEL DU 24 MAI 2020
Je vous remercie toutes et tous de vous être déplacés pour assister à ce premier conseil d’installation de la nouvelle équipe municipale.
Avant que ne s’ouvrent nos travaux qui marqueront le début de notre nouvelle mandature, je voudrais faire une déclaration solennelle :
Tout d’abord, je vous remercie, chers élus, d’avoir choisi de vous dévouer à votre village. Cette charge est lourde et difficile.
Elle implique de consumer du temps, de l’énergie et requiert de la passion, mais je sais que vous en êtes dotés. Sachez que vous pourrez compter sur moi pour vous soutenir et pour défendre les intérêts de notre communauté villageoise à travers les projets que nous allons mettre en œuvre et cela auprès de toutes les institutions officielles.
Sous mon autorité, il n’y aura ni privilège, ni favoritisme, ni de différence de genre, de classe, de culture ou d’origine. Seule la réalisation du bien commun m’importera et ce sera mon unique boussole, ma seule direction et mon unique cap.
Je dois pouvoir compter sur vous et vous pourrez également compter sur moi. Cette mandature ne sera pas une mandature comme les autres, elle répondra à des exigences particulières.
A cet instant précis je voudrais faire un point avec vous sur la crise que nous traversons et le contexte particulier dans lequel cette mandature s’inscrit.
Cette crise sanitaire et économique nous a frappé de plein fouet et laissera dans nos esprits une empreinte indélébile. Elle nous a tous affecté individuellement et collectivement, mais elle a aussi transformé le monde et elle devrait entraîner un changement de valeurs dans nos comportements.
Un système économique s’effondre sous nos yeux dans le désastre d’une crise sanitaire qui sème l’angoisse et la mort.
Décroissance, déglobalisation, éco-féminisme, souveraineté alimentaire, vie en commun et solidarités sociales seront les nouvelles valeurs qui nous sauveront d’un désastre final si nous voulons que le monde change de base.
Et pour cela il nous faut prendre la mesure des dangers qui nous menacent et agir en conséquence et en conscience chacun à notre niveau de responsabilité.
Et bien justement notre liste ne s’appelle-t-elle pas « Pa campa bè In Granaccia » ? « Pour vivre bien à GRANACE » ?
Le défi que nous devons relever pour notre village s’inscrit dans ce contexte global.
Je m’explique : notre village a connu comme tous les villages corses une histoire difficile et parfois tragique au cours des siècles :
-La guerre de 14 et son cortège de morts
-La deuxième guerre mondiale avec l’occupation et les jours heureux de la libération.
-Une longue période de déclin démographique avec le départ massif de presque toutes ses forces vives sur le continent ou à l’étranger pour trouver un emploi à plein-temps et dont la perspective de retour n’était motivée que par quelques jours de vacances ou plus triste encore par le décès d’un des leurs.
-Nos communautés rurales du Fiumiccicoli se vidaient alors de leurs âmes lentement, ce mode de vie fondé sur le pastoralisme et sur une ruralité séculaire s’effondrait.
Cette crise sanitaire que nous traversons est inéluctablement soumise à interrogations, elle nous conduit inévitablement à nous pencher sur cette histoire qui fut la nôtre.
Si nous voulons préparer l’avenir, le défi est immense, croyez-moi, et à notre modeste niveau, nous nous devons d’y répondre.
Face à cette crise globale systémique seule la dimension locale et collective acquiert une importance cruciale.
Cela implique une analyse claire et sans concession de la situation mais cela suppose aussi des propositions et des projets alternatifs.
Je formule le vœu à l’occasion de cette nouvelle mandature incluant un nouveau conseil municipal que le village de Granace s’érige en modèle de gestion et soit vecteur d’innovation. Je vous propose donc un projet ambitieux mais concret : la réalisation d’un village écologique basé sur une écologie locale.
Un écovillage qui prendra sa source sur la défense de l’environnement ainsi que sur la promotion de la culture et de la solidarité sociale.
Pour être conformes à nos objectifs nous nous devons d’inventer un monde de développement nouveau qui ne soit pas fondé sur le profit de quelques-uns mais sur le bénéfice de tous. Le dispositif de ce village sera harmonieux dans son architecture et respectera rigoureusement les normes environnementales.
Ce village ne sera pas soumis à la spéculation à l’image de ces villages dortoirs, qui ont éclos ces derniers temps. Certains en ont fait l’amère expérience et tous y ont laissé leurs âmes.
C’est en prenant conscience de toutes ces dérives que j’inscris mon projet. Celui-ci est le fruit d’une profonde réflexion qui s’appuie sur mes deux précédents mandats. Ce projet s’articulera essentiellement autour de 3 axes majeurs.
Premier axe :
Rénovation de l’infrastructure du village et alentours :
1) Départementale 148
Nous devons mobiliser tous les outils légaux à notre disposition pour que soient réalisés les travaux de la départementale 148 qui relie GRANACE à SARTENE au regard de la dangerosité de celle-ci et du flux important de véhicules et de cars scolaires qui la pratiquent au quotidien.
Ce projet a été sans cesse différé voire ignoré pendant des décennies, fruit d’une impéritie générale. Nous avons tous ici l’impression que le village de GRANACE est sorti complètement des radars des décideurs et des autorités compétentes qui ont brillé par leur absence, leur total désintérêt, voire leur indifférence, leur négligence, leur inconscience et leur mépris à l’égard des citoyens pour seulement 800 mètres de bitume et quelques mois d’étude de faisabilité. Alors que la situation perdure et s’enlise depuis près d’un demi-siècle au détriment de la sécurité de tous comme l’attestent les trop nombreux accidents qui ont jalonné ces décennies.
2) Réorganisation et réorientation de la gestion de nos déchets.
Nous allons nous orienter vers une pratique totalement novatrice du tri, il sera non seulement individuel mais également fondé sur des critères sélectifs visant à s’intégrer dans un contexte global de respect de la biodiversité.
Il n’y aura plus dans un futur proche de poubelles déchets, de poubelles sauvages et d’amoncellements d’ordures en tout genre jetés n’importe où et à n’importe quelle heure du jour et de la nuit, nous y veillerons.
Il sera exigé de chacun un respect absolu des règles collectives de bonne conduite et de civisme. Elles seront rigoureusement établies très vite pour le bien de tous et pour le bien de l’environnement.
3) Etude de faisabilité et de création d’une ou plusieurs mini-stations d’épuration :
Pour en finir avec les fosses septiques polluantes et nuisibles pour l’environnement, exposant de ce fait les habitants de GRANACE à des inévitables problèmes sanitaires d’une extrême gravité.
4) Eclairage public:
Pour améliorer l’esthétique générale du village la précédente mandature a déjà engagé des discussions en bonne voie avec le syndicat d’électrification pour enterrer les lignes apparentes qui assurent l’éclairage public du village.
5) Stationnement
Dans cette perspective, il sera mis fin au stationnement sauvage qui n’a que trop longtemps perduré, par une délimitation stricte attribuée aux véhicules. Le stationnement sauvage est nuisible à la circulation et entrave la circulation des cars scolaires, l’accès du SAMU, des pompiers et de toutes autres formes de véhicules susceptibles de sauver le village et la vie de ses habitants.
Deuxième axe
L’ortu communal : le jardin communautaire
Partant du constant que notre village comporte des centaines d’hectares de terrains anciennement agricoles et aujourd’hui en friche, je propose d’organiser la réappropriation partielle de cet espace. C’est ainsi que l’organisation traditionnelle de l’espace sera préservée, notamment en restant à l’intérieur des limites de parcelles telles qu’elles étaient cultivées dans le passé. Elles nous protégeaient du feu grâce au travail et au sens de la collectivité qu’avaient nos anciens. Le but étant de parvenir à une autoproduction voire à une suffisance alimentaire.
Je donne quelques pistes :
Le principe de base fondamental est celui de l’échange des biens et des services et non celui de l’échange commercial ou du profit.
L’implication dans le projet sera fondée sur le volontariat et le libre-échange.
Ainsi la réappropriation de l’espace cultivé ne sera pas le produit d’un modèle intensif mais au contraire le résultat d’un modèle extensif fondé sur la permaculture, ce qui implique le respect absolu de la biodiversité.
Celle-ci sera composée de petites unités élaborées sur la base des cultures traditionnellement pratiquées à l’intérieur de limites qui seront rigoureusement préservées.
Pour cette réalisation, des accords de principes pour des contrats de « prêts à usage » pour des propriétés anciennement cultivées ont déjà été préparés et accordés.
En ce qui concerne les plantations de légumes et d’arbres fruitiers, elles se feront à partir de semences d’origine biologiques, traditionnelles et si possible endémiques.
Une ou plusieurs structures comportant des animaux pourront trouver facilement leur place sur des références et des normes traditionnelles et sur des parcours en liberté.
Troisième axe
-Développement culturel, patrimonial et social.
Un village se construit collectivement avec une vision sociale forte et inclusive où la culture est référence.
- Acquisition et transformation de la maison dite « Carpiccia » à Casamata à l’abandon depuis plus de 50 ans, en logements communaux.
Création également d’un espace muséographique avec l’aide des services compétents, d’une commission adhoc qui se chargera de l’attribution des logements.
Cette maison sera réhabilitée pour devenir un logement communal et un eco-musée : nous pourrions y installer deux familles d’artisans.
Cela créera un apport de population et de compétences pour notre communauté.
Les loyers seront très modérés, nous ne sommes pas là pour faire du profit mais pour faire vivre notre village, et si profits il y a, ils seront réinjectés dans notre patrimoine tout cela sera bien sûr encadré par la caisse régionale des dépôts sous contrôle de l’administration et de la chambre régionale des comptes.
-Soutien aux personnes en état de vulnérabilité.
Nous porterons notre attention sur les personnes en situation de fragilité en particulier nos concitoyens les plus âgés ou malades. L’achat d’un véhicule municipal a été grandement pensé en fonction de leur besoin et de leur confort. Cet achat de véhicule permettra l’autonomie de nos anciens et de tous ceux qui en ressentent l’utilité.
Il est inutile de préciser que cet achat ne sera pas l’exclusivité des habitants de notre village mais son service s’étendra également aux habitants des villages voisins.
-Dans la perspective de la reconquête de l’espace autour et dans le village, nous entreprendrons la réouverture et l’entretien de tous les chemins d’accès, la réfection de tous les murets en pierres sèches, ainsi que la remise en état de nos points d’eau, de nos sources et fontaines.
-En ce qui concerne la famille, la jeunesse et les artistes : Il sera organisé dans l’enceinte de la mairie :
- Des cycles de conférences
- Des stages artistiques
- Des spectacles
- Des apprentissages divers.
Cette perspective aura pour but d’insuffler une vie culturelle au village en proposant aux talents créateurs de s’exprimer, cela permettra en outre d’enorgueillir Granace d’une image nouvelle pour notre jeunesse et ses créateurs.
Il est évident qu’un village ne peut pas vivre sans une identité qui se définit à partir de toutes les énergies qui le constituent. Encore faut-il lui donner tous les moyens et toutes les capacités pour pouvoir s’exprimer.
Mes chers amis et conseillers, vous l’avez compris, nous changeons d’époque, cela implique un changement radical dans le mode de pensée collective.
Dans cette perspective notre village doit être un point de résistance et de référence pour nous tous. Nous devons en faire un village pilote.
Nous nous battrons contre les forces réelles qui ne nous feront pas de cadeau.
Mais nous devrons également lutter contre des forces invisibles mais moins puissantes qui s’appellent la résignation, le défaitisme, le cynisme, la haine de l’autre, l’égoïsme, le pessimisme, l’individualisme, sans oublier la jalousie, mère de tous les vices, capable de détruire les meilleures volontés sans autre fondement que la méchanceté.
J’ai pris conscience au fil des années que le métier de maire est un exercice difficile. Il faut pouvoir encaisser les « on dit » avec indulgence en ayant toujours pour objectif l’intérêt général, et comme le dit cette formuledu XVIIIe siècle devenue proverbiale : « La critique est aisée mais l’art est difficile ».
A ceux qui feront preuve de cynisme, nous ne répondrons que par des actes. Nous travaillerons sans ego surdimensionné, sans conflit de personne, sans autre obligation que celle de servir la population. Et en chemin j’en suis certain, cette détermination fera des émules et beaucoup nous rejoindront dans cet objectif.
Mes chers amis, seul prévaut l’intérêt général et rien de plus.
A ce titre nous nous inscrivons dans la continuité de l’histoire de ce village qui prend conscience de son avenir à la lumière de son passé.
Afin d’inventer ce village de demain et ce monde meilleur nous avons besoin d’un rêve, d’un espoir mais aussi de convictions.
C’est cet espoir que je vous propose d’incarner concrètement ici dès à présent.
Mes chers conseillères et conseillers, j’ai conscience que chacun de vous a ses obligations personnelles, ses vicissitudes familiales et malgré cela, vous avez choisi de devenir conseillers municipaux et vous avez pris de ce fait auprès de nos concitoyens l’engagement de servir en tout lieu et à tout instant l’intérêt supérieur de Granace.
Le temps que vous donnerez bénévolement à notre village s’inscrira dans une nouvelle étape locale. C’est une nouvelle page de l’histoire de Granace que nous devons écrire ensemble et surtout dans le consensus.
Vous connaissez la chanson : « You may say I’m dreamer, but I’m not the only one » ou l’expression de Martin Luther King « I have a dream ».
Nous devons avoir la foi en nous-mêmes, la foi en la validité de notre projet et je sais même intimement que chaque membre de ce nouveau conseil municipal sera porteur de ce rêve collectif et réalisable.
Démocratique, sociale, culturelle et écologique, telle sera la prochaine mandature.
Nous n’avons qu’un seul devoir : celui de réussir toutes et tous ensemble dans le consensus et l’unité.
Maintenant et pour clore mon discours, mes chers adjointes et conseillers, pour l’honneur de votre village et de nos concitoyens, je suis fier d’accueillir parmi nous deux adjointes dont seul notre village peut se targuer.
C’est inédit dans l’histoire de la Corse et cela fera date dans les mémoires.
Je vous souhaite le meilleur, la réussite et le bonheur pour ces six prochaines années que nous allons vivre ensemble.
Cette expérience sera collective et prendra sa source dans l’amitié, la fraternité, le respect et l’engagement. Et c’est au seuil de ce bâtiment de la “casa cumuna ” construite par mon arrière-grand-père anciennement maire du village que j’en fais le serment.
Evviva Granaccia Evviva à Corsica !
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